La vie contemplative, son rôle apostolique

En juillet 2022, un bienfaiteur m’envoya un livre avec ce courrier :

Cher Frère,

Voici de nombreux mois, je vous ai envoyé le texte La foi s’en va ; vous l’avez fait paraître sur votre site. Ce qui me fait comprendre que vous y attachez de l’importance.

La foi s’en va est le titre du premier chapitre du livre La Vie Contemplative, son rôle apostolique, par un religieux chartreux. Je l’avais, en effet, reproduit entièrement ici.

Notre bienfaiteur continue :

Depuis, j’étais à la recherche d’un second exemplaire [de ce livre] que je souhaitais vous faire parvenir, tant cet ouvrage est en relation avec le type de vie que vous avez choisi. Je viens de trouver un exemplaire. (…) Je forme bien sûr le vœu que cet ouvrage vous conforte dans votre vocation et vous permette de pénétrer encore mieux combien les contemplatifs sont indispensables. (…)

Jean-Pierre X.

Oui, cet ouvrage écrit par un Chartreux fait bien partie de ceux qui encouragent et font mieux connaître la vie contemplative. Merci encore à ce bienfaiteur de nous l’avoir offert : un vrai apôtre de la vie contemplative dans sa dimension apostolique !

Il ne m’a pas fallu longtemps pour profiter de ces pages si bienvenues et j’avais pensé aussitôt en reproduire ici de nouveau quelques passages. En revanche, trouver du temps pour écrire fut moins facile. Après plusieurs mois, voici enfin un petit résumé de ce livre, réalisé principalement à partir de citations.

La Vie Contemplative, son rôle apostolique

Les titres des paragraphes suivants correspondent aux titres des chapitres de ce livre.


II. Les grands démons.

Après avoir cité Matth. XVII, 14-21 (l’épisode du démon chassé par Jésus et que les apôtres n’avaient pas réussi à chasser), l’auteur nous dit :

Pour chasser les démons ordinaires, une foi ordinaire suffit ; mais pour certains démons plus puissants, il faut une foi plus robuste. Et cette foi plus robuste, comment l’acquiert-on ? — Par la prière et le jeûne.

Op. cit., p. 12.

Il souligne donc que la foi augmente grâce à la prière et au jeûne, les deux activités auxquelles doivent (ou devraient davantage) s’adonner les âmes contemplatives. Et c’est bien le point le plus important du message de Notre-Seigneur dans ce passage de l’Évangile :

Alors les disciples vinrent trouver Jésus, en particulier, et dirent : “Pourquoi n’avons-nous pas pu le chasser ?” Il leur dit : “À cause de votre manque de foi. En vérité, je vous le dis, si vous avez de la foi comme un grain de sénevé, vous direz à cette montagne : Passe d’ici là, et elle y passera, et rien ne vous sera impossible. Mais ce genre (de démon) n’est chassé que par la prière et le jeûne.”

Matth. XVII, 19-21.

À notre époque où la foi chrétienne régresse à grand pas, nous avons plus que jamais besoin d’âmes contemplatives qui s’adonnent à la prière et au jeûne. Voici comment l’auteur poursuit :

Poussé par le souffle de l’enfer, l’homme veut jouir de tous les plaisirs : dans sa chair, dans son cœur et dans son esprit. Il veut jouir et il ne veut que cela : c’est le but de sa vie. Et pour jouir, il brise les antiques barrières du respect et de l’autorité, de la réserve et de la dignité, de la droiture et de la probité, de l’honneur et de la foi ; les croyances et les mœurs, les traditions et les usages, les familles et les sociétés, tout menace de crouler dans le grand cataclysme de boue, de sang et d’impiété.

S’il fut un temps où la lutte contre le mal a réclamé les grandes armes contre les grands démons, c’est le temps actuel. Daigne Dieu nous donner les vaillants lutteurs, qui assurent les triomphes décisifs.

Op. cit., p. 14-15.

La troisième édition de ce livre date de 1898, celle que nous avons (la douzième édition) date de 1952. Que dirait-il aujourd’hui, en 2023 ? !…

La tentation de saint Antoine
La Tentation de saint Antoine. — Kimbell Art Museum.

III. Les deux ministères.

L’auteur assimile la vie contemplative à un “ministère”. Il y a, dit-il, dans l’Église, le ministère de l’action et le ministère de la contemplation.

Il compare d’abord ces deux ministères à la grâce actuelle et à la grâce sanctifiante que Dieu répand dans nos âmes.

Il y a en effet une grâce d’action, qui met en jeu les forces actives de l’âme, qui détermine et entretient son mouvement, et qui se nomme la grâce actuelle. Et il y a une autre grâce, supérieure et plus intime, la grâce d’union, qui lie l’âme à Dieu, qui la maintient et l’élève dans la vie de l’union divine, c’est la grâce sanctifiante.

De même, dans l’Église, il y a le double ministère d’action et d’union ; l’un plus rapproché des hommes, agissant sur eux et exerçant sur eux les influences du pouvoir divin ; l’autre plus rapproché de Dieu, communiquant plus immédiatement avec lui, afin de puiser en lui ce que le ministère actif a charge de distribuer.

Op. cit., p. 16.

Il fait ensuite un rapprochement avec les corps vivants qui ont deux types d’organes : ceux qui agissent au dedans et ceux qui agissent au dehors, pour en venir ensuite à la nature même de l’Église.

L’Église aussi est un corps, et c’est un corps vivant. Et sa vie doit s’alimenter au dedans et se propager au dehors.

(…)

À l’image de l’Église du ciel qui possède le double ministère des Anges assistants au trône de Dieu et des Anges exécuteurs de ses volontés, l’Église de la terre possède le ministère de la contemplation et celui de l’action.

Op. cit., p. 17.

IV. Les inutiles.

Dans les années 50, il y avait une tendance, dans l’apostolat catholique, à faire de l’activisme au détriment de la prière et au mépris de la vocation contemplative. Aujourd’hui la “méditation” et la “spiritualité” sont davantage à la mode et l’on ne regarde pas du même œil les communautés monastiques.

Cependant, on ne les comprend pas forcément mieux, en considérant encore la vie contemplative un peu comme une “planque” où l’on prie tranquillement sans avoir tous les tracas de la vie active.

L’auteur replace ces inutiles à leur vraie place de combattants. (Saint Benoît d’ailleurs, déjà au VIe siècle, nommait les moines soldats du Christ.)

La grande lutte contre les grands démons est-elle sur le terrain de l’action ? — Le général en chef de l’armée divine a dit que la grande lutte était sur le terrain de la prière et de la pénitence. Et quand vous voyez des âmes, précisément les plus généreuses, les plus dévouées, les plus ardentes au saint combat, se transporter sur ce terrain, vous osez dire qu’elles désertent la lutte ?… Et vous les traitez de lâches, d’égoïstes, d’inutiles ?

Op. cit., p. 24.

Notre-Seigneur ne dit pas qu’il faille se réfugier dans la prière, pour y être tranquille, pour se croiser les bras, sans se soucier de la moisson, pour faire doucement son petit salut à l’abri du soleil et de la pluie. Non pas, non pas. Il entend que la prière soit une œuvre de dévouement apostolique, et la première œuvre de dévouement apostolique ; puisque c’est elle qui précède et c’est elle qui procure l’envoi des ouvriers. Il faut deux choses : la prière et les ouvriers. La prière précède et les ouvriers suivent ; et si la prière ne précède pas, les ouvriers n‘arriveront pas. Et si la prière ne fait pas arriver les ouvriers, elle manque son but.

Op. cit., p. 25.

Il ne faut toutefois pas s’y méprendre. Ce n’est pas parce la prière possède en soi une dimension apostolique qu’elle en serait sa finalité, sa fin dernière. On prie Dieu parce que Dieu est Dieu. Dom Gérard Calvet aimait à dire que les moines ne servaient à rien mais qu’ils servaient Quelqu’un. On reconnaît l’arbre à ses fruits : si la vie contemplative est fervente, l’Église sera vivifiée, les vrais apôtres seront et les vrais apôtres serviront.

Il est motivant de se donner à Dieu dans la vie contemplative en pensant et en priant pour ceux qui sont dans le “ministère de l’action”. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, patronne des missions, en est un bel et saint exemple.

Cependant, on ne peut reprocher à une âme contemplative de ne pas prier explicitement pour les missionnaires. Si elle est fervente dans sa vie de prière et ne s’y « réfugie pas pour y être tranquille », si elle garde une âme combattante, de « soldat du Christ », alors elle est pleinement dans sa vocation et inutilement très utile (ou très utilement inutile ? à vous de choisir !) à tous les membres de l’Église.

C’est précisément ce mystère de la communion des saints qui m’a personnellement motivé à devenir moine et c’est en l’honneur de ce mystère que j’ai demandé à Dom Gérard de recevoir, si possible, comme nom de religion le nom de frère Toussaint, non pas pour avoir beaucoup de saints patrons mais pour mieux illustrer la dimension apostolique et vivifiante de la vie contemplative dans l’Église.

Moine qui récite le chapelet
Moine qui récite le chapelet. — Photo de l’abbaye de Bellefontaine.

V. L’organisation ecclésiastique.

Dans ce petit chapitre, nous voyons la source et l’origine de l’office (du bréviaire) que le prêtre doit réciter tous les jours.

Notre-Seigneur, durant ses trois années de ministère apostolique, priait beaucoup, en particulier la nuit. Les premiers Apôtres ont fait de même. Ils sont à l’origine des premiers collèges de prêtres et de clercs qui entouraient les premiers évêques en priant ensemble. Ceux-ci sont devenus ensuite les chanoines qui, dans les églises cathédrales, conservaient perpétuellement la récitation complète de l’office public.

Aux yeux de l’Église, un diocèse apparaît comme découronné, quand il n’y a pas à sa tête, régulièrement constitué, le ministère officiel de la prière publique.

Obligés, pour la garde et les soins plus immédiats du troupeau, de se séparer du collège épiscopal, pour résider chacun au milieu des fidèles confiés à leur vigilance, les prêtres ont emporté avec eux l’obligation de la prière publique. Et cette obligation est si fondamentale dans l’ordre de leurs fonctions, qu’elle s’appelle par excellence le devoir : car c’est ce que signifie le mot d’office.

Op. cit., p. 27-28.

Le Père Chartreux nous montre ensuite comment le prêtre doit être non seulement un homme de prière mais aussi un homme de pénitence.

Et c’est là sa double force. (…) Ah ! la prière et la pénitence dans le prêtre ! quel rayonnement divin ! quelle lumière de conversion ! Mon Dieu, donnez à tous vos prêtres cette double gloire, et au lieu de s’en aller, la foi resplendira au milieu des peuples.

Op. cit., p. 29.
Prêtres à l’office de Vêpres
Prêtres à l’office de Vêpres. — Photo www.espritdelaliturgie.org

à suivre…

1 thought on “La vie contemplative, son rôle apostolique”

  1. Bonjour Frère, connaissez-vous Luisa Piccarreta et les enseignements du Seigneur qu’elle a reçu sur Sa Divine Volonté ? De tout mon cœur je vous invite à vous y intéresser.
    Fraternellement, dans la Paix de Jésus-Christ.

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